Investir dans le cinéma?

“Le cinéma est un soleil noir inlassablement attractif. Aucun moment de cinéma ne vaut un moment de vie . Le cinéma, par définition, c’est inédit”  Isabelle Huppert

“Si Galilée revenait sur terre, il s’écrierait devant une mauvaise comédienne de cinéma : ” Et pourtant, elle tourne !”.  Pierre Dac

Le grand festival de Cannes se déroule actuellement. Le beau monde du cinéma monte les grandes marches et défile sur le tapis rouge. En tant qu’investisseurs, pensez-vous que le cinéma est un secteur rentable?

Ma réponse n’est pas forcément positive. Pour justifier mon avis je vais vous présenter les différentes phases de fabrication d’un film, les types d’intervenants et les véhicules d’investissement existants.

Un film se fabrique en cinq étapes principales :

  • Le développement qui peut durer plus de six mois : recherche de scénario satisfaisant, acquisition de droits d’auteur, signature d’accords avec les réalisateurs ;
  • Le montage et la préparation : casting, acomptes de comédiens, costumes, décors ;
  • Le tournage qui peut durer six mois et consommer 75% du budget : matériel de tournage, régie, salaires des comédiens;
  • La post-production d’environ cinq mois : mixage, sonorisation, effets spéciaux ;
  • La distribution : ça y est, le film est terminé ! Il faut maintenant de le rendre accessible aux spectateurs et bien sûr, le monétiser…

En France, les recettes de films sont générées en respectant la chronologie des médias. Un bon film doit d’abord être distribué en salle (1-4 mois), ensuite sur DVD ou VOD à l’acte (4-10mois), puis en diffusion cryptée sur Canal+ (10 mois), en clair à la Télé (2 ans) et enfin en VOD à l’abonnement (3 ans). A noter que certains acteurs de ce dernier segment (Netflix et Amazon) prennent de plus en plus d’importance et menacent de modifier la traditionnelle chronologie des médias en diffusant des films un peu plus récents. Cette ambition ouvre peut-être une brèche d’opportunité d’investissement intéressant, à creuser .

Néanmoins, dans son ensemble, le secteur du cinéma a un risque intrinsèque très élevé. En théorie, qui dit risque élevé devrait aussi dire espérance de rentabilité élevée. Mais en pratique, les films qui dégagent des résultats satisfaisants ne sont pas nombreux. Et avant d’investir dans un film, il est assez difficile d’avoir une visibilité claire sur son succès futur. En effet, l’investissement intervient en amont de la fabrication du film. Or à ce stade, les acteurs ne sont pas connus, le rendu final du film non plus, la durée de fabrication n’est pas certaine, etc… Investir dans un film est donc un véritable pari sur l’avenir : comment estimer en toute fiabilité les recettes futures de ce film qui n’existe pas encore ?  Doit-on d’office parier sur un producteur à succès ? Même les producteurs à succès ont déjà eu à faire de gros navets. Et ils font très souvent face à d’énormes difficultés financières. Avez-vous vu la suspension de cotation du Groupe EuropaCorp en début de mois ? Ce Groupe fondé par Luc Besson se retrouve aujourd’hui en sauvegarde judiciaire. Pour rappel, EuropaCorp a produit la saga des films Taxi, Le Transporteur, Taken ; Les petits mouchoirs ; Lucy ; …

Serait-il plus intéressant d’investir sur des petits producteurs? Pas du tout. En général, les producteurs n’ont pas la surface financière suffisante pour couvrir les dépenses des films (un “bon film” a en général un budget minimum de huit millions d’euros). Ils ont donc un niveau d’endettement ultra élevé. Les banques prêteuses peuvent obtenir des garanties près de l’IFCIC, mais cela est assez coûteux (1%). Elles peuvent aussi nantir les catalogues de films existants du producteur, mais …comment vous dire …, les valeurs des catalogues ne font pas toujours rêver.

Si le prêt bancaire constitue le premier mode de financement d’un film, d’autres moyens moins connus existent :

  • Les SOFICAS: ce sont des sociétés de gestion qui investissent sur des films ayant des critères définis par le CNC (Centre National du Cinéma) : films de jeunes producteurs (premiers ou seconds films), petits budgets, en langue Française. Investir dans les SOFICAS représente un avantage fiscal pour le détenteur de parts : réduction du montant de l’impôt de 30% du total investi. C’est un moyen trouvé par l’Etat pour soutenir le cinéma Français. Cependant le niveau de risque est très élevé pour l’investisseur car les films financés ont peu de chance de succès.
  • Les subventions de l’Etat : elles proviennent d’une taxe incluse dans le prix du ticket d’entrée du cinéma (la TSA fixée à 10,72%)
  • Le crowdfunding.

Une autre possibilité plus rentable d’investir sur le secteur serait de miser sur les sociétés offrant leurs prestations à la production d’un film : sociétés de fabrication et de location de caméras, de matériel de sonorisation, etc… Ces prestataires sont bien rémunérés indépendamment de la réussite du film.

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