La pression sociale

J’ai croisé cette fille hier soir. Je lui ai demandé comment elle allait. Elle a esquissé un sourire rapide et m’a dit « je suis là ». Je voyais la tristesse dans ses yeux, mais on a discuté de tout et de rien, comme si tout allait bien. On a même beaucoup rigolé.
Cette amie venait de passer une semaine difficile. Et elle venait soutenir une autre amie qui était en deuil. Mais ma première amie n’était pas en deuil. Certains diraient qu’elle n’a donc pas de quoi se plaindre. Néanmoins elle avait passé sa semaine à pleurer. En réalité depuis un an elle coulait des larmes très souvent. A cause de son travail. Elle se sentait opprimée par son travail. Elle venait de réaliser que le salariat ne pouvait plus l’épanouir. Au contraire, il l’étouffait. Il lui volait tout : son temps, son énergie, son génie, sa créativité, sa prise d’initiative. « Voler » ? Tant d’années passées dans une entreprise sans jamais avoir été augmentée. A espérer quelques fois une promotion qui ne s’est pas réalisée. A supporter des batailles d’égo avec des collègues qui voulaient la « manager ». A revendiquer une reconnaissance de la part de ses chefs qui préféraient valoriser leurs amis. A postuler pour trouver en vain une mobilité. Découragée. Résignée.
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« Retrouverais-je un travail épanouissant ? Et si je démissionnais?
– Non tu ne peux pas lâcher une branche sans en attraper une autre, lui disait son frère.
– Mais cette branche est si épineuse! Je saigne. Je saigne tous les jours. Je ne veux pas perdre ma joie de vivre. Ma joie si précieuse Seigneur ! Je veux juste m’arrêter. STOP! Je vaux mieux que ça. »
My dear black people, nous valons mieux que cela, n’est-ce pas?
« Et il faudrait que tu réduises ton CV pour pouvoir trouver facilement quelque chose »
Sommes-nous donc réduits à ça? Trop d’expériences, trop de diplômes, ça fait peur aux recruteurs. Incroyable n’est-ce pas? Et pourtant. « Puisqu’il faut que je remplisse des cases de comptable ou de contrôleur financier qui me sont prédestinées, alors mes diplômes et certaines expériences ne servent à rien si je veux vite être recrutée . D’ailleurs si tous ces diplômes étaient utiles, mes managers actuels m’auraient mieux valorisée».
J’ai regardé autour de moi à ce dîner. Le nombre de frères et sœurs non épanouis à leur travail. Désillusionnés. En arrêt maladie à durée indéterminée. Ou résignés. Ou en recherche de leur énième activité. Quatre changements de postes en moins de dix ans d’expérience. Cherchez l’erreur. Jusqu’à quand?
J’ai encore observé mes amis. En écoutant la voix de celle qui me questionnait « Et si je démissionnais? Sans rien? Je serais si heureuse! Pour un temps? Rebondirais-je rapidement ? Pour faire quoi? Que n’ai-je pas déjà fait? Et ces gens qui m’estiment tant… me donne-t-on de la considération à cause de mon statut social? Travailler en finance…. dans cette entreprise…. à ce poste…. Cela peut paraître si prestigieux ! Les gens m’apprécient peut-être pour tout ça? Aurais-je encore leur admiration si je démissionnais? Si je changeais totalement de voie? Que penseraient-ils de moi? Et mes parents ? Et mon frère? Et ma sœur? Et mon conjoint?
Et moi? »
A tous ceux qui traversent des moments professionnels difficiles, spéciale dédicace à travers cette chanson de DIAM’S, Les enfants du désert

2 comments

  1. Le monde d’aujourd’hui est plein d’opportunités, il faut combattre le pessimisme qui voit en tout changement un obstacle. Il y a un besoin pour chacune des intelligences, des énergies, des personnalités et des cultures.
    Merci pour cet article, il faut dire répéter autour de soi que la vie est trop courte pour laisser une place inutile au pessimisme même si ce dernier est en qq sorte dans l ADN du pays

  2. J’ajouterai que le seul vrai juge c’est sa conscience non les followers. Cette dernière ne nous quitte jamais. Que vaut le prestige, le statut social si vous n’êtes pas heureux.

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